Historique

Aperçu d’un siècle d’immigration en Belgique

Cet historique n’a pas la prétention de parler de façon exhaustive de l’immigration en Belgique au cours du siècle dernier, mais plutôt d’en dresser les contours afin de mieux appréhender les liens entre contexte géopolitique – économique et immigration. Comprendre les mécanismes qui animent la machine de l’Histoire pour saisir plus subtilement l’actualité.

Esquisse de l’immigration étrangère en Belgique

L’immigration en Belgique est relativement jeune, avant la première guerre mondiale elle est le plus souvent spontanée et les migrants viennent des pays limitrophes (Hollande, France, Allemagne). Après la première guerre mondiale, la Belgique commence à organiser son immigration à travers le recrutement de travailleurs étrangers. Ils sont, en premier lieu, une majorité d’italiens, de polonais, de tchécoslovaques et de yougoslaves, ils sont généralement affectés aux charbonnages. Après la deuxième guerre mondiale, dans le contexte de la Bataille du charbon, le recrutement se fait principalement en Italie, mais aussi, un peu plus tard en Espagne et en Grèce. Les secteurs d’activités s’élargiront pour les étrangers, puis dans les années 60, période de croissance économique, le recrutement s’amplifiera en Espagne et en Grèce et se fera aussi dans des pays plus lointains, principalement la Turquie et le Maroc. À partir des années 70, les politiques d’immigration en Belgique se font plus restrictives, le nombre d’immigrants grecs, turcs, italiens et espagnols diminue, mais l’immigration marocaine se maintient, le nombre d’immigrants européens, d’Amérique, d’Asie et d’Afrique augmente.

Le XIXe siècle

Au XIXe, l’immigration n’existe pas encore en Belgique, on compte à peine 3% d’étrangers et ceux-ci viennent souvent de pays limitrophes. Ceci s’explique en partie par le fait des frontières territoriales et par la création des États-nations qui partout en Europe ralentissent l’immigration. Les mouvements migratoires sont plutôt des mouvements internes, des campagnes vers les villes. À cette époque, la Wallonie est l’une des zones la plus industrialisée d’Europe, les paysans flamands y viennent pour répondre au besoin de main d’œuvre.

Les étrangers qui souhaitent s’installer en Belgique sont les bienvenus tant qu’ils sont en mesure de subvenir à leurs besoins. Le statut d’étranger résidant s’obtient facilement après un séjour de courte durée et aucune différence n’est faite entre un étranger résidant et un belge. Seuls les étrangers sans emploi risquent l’expulsion.

La première guerre mondiale

Pendant la première guerre mondiale, de nombreux belges émigreront vers l’Angleterre et les Pays-Bas, la plupart d’entre eux reviendront en Belgique à la fin de la guerre. À noter que vers 1917, suite à la Révolution d’Octobre, la Belgique accueille des réfugiés russes.

L’immigration ouvrière en Belgique ne débute véritablement qu’à la fin de la première guerre mondiale. Au lendemain du conflit, le pays fait face à un besoin accru de main d’œuvre dans les secteurs de l’industrie lourde (mines de charbon et métallurgie), les belges se détournent de ces secteurs, le travail y est trop ardu. Les premiers travailleurs immigrés viennent principalement de France, de Pologne, d’Italie et d’Afrique du Nord, ils s’installent surtout dans les zones industrielles wallonnes. On peut aussi remarquer, dans une moindre mesure, la présence de tchèques, de hongrois et de yougoslaves.

L’entre-deux guerres

L’entre-deux guerres connait un afflux d’immigrants relativement important (170.000 arrivants entre 1920 et 1930), c’est à cette période que se construit une politique d’immigration basée sur les besoins économiques du pays et des entreprises. L’immigration n’est plus uniquement contrôlée par les entreprises, mais devient aussi une affaire d’État.

En 1930, l’Europe est tourmentée par la crise économique, le chômage est en hausse et certains ouvriers étrangers sont renvoyés dans leur pays. L’État belge prend des mesures sévères pour restreindre son immigration. Des tensions naissent entre travailleurs belges et étrangers, ces derniers sont perçus comme des concurrents. Dans les années 30, les premières réglementations sur la main d’œuvre étrangère en Belgique voient le jour : désormais, pour travailler légalement en Belgique, les immigrants doivent obtenir un permis de séjour auprès du consulat belge de leur pays, ils ne peuvent en bénéficier que s’ils ont un contrat de travail. Ensuite, ils peuvent être engagés à condition d’obtenir l’autorisation du ministre de la justice. L’Etat introduit aussi le critère de nationalité pour accéder au chômage, incitant de la sorte les étrangers sans emploi à rentrer chez eux.

L’Europe n’est pas la seule victime, les États-Unis aussi sont touchés par cette crise qu’on appellera la Grande dépression et Roosevelt instaurera également une politique restrictive vis-à-vis de l’immigration. Ce point vaut la peine d’être abordé ici puisque le port d’Anvers fut le théâtre de nombreux départs en direction du rêve américain. La compagnie maritime Red Star Line et ses paquebots transportèrent ainsi près de 2,5 millions d’immigrés entre 1871 et 1934, des belges, mais aussi des voyageurs venant de l’Europe de l’Est et de Russie en quête d’une vie meilleure. Les mesures restrictives prises par Roosevelt mèneront la Red Star Line à sa perte puisque l’entreprise fait faillite en 1934. Les bâtiments de la compagnie sont restés à l’abandon jusqu’en 2013, année de l’ouverture du Red Star Line Museum  qui retrace l’histoire de l’entreprise et de ses passagers à travers une visite dynamique et émouvante.

En 1936, la reprise économique s’amorce et les employeurs belges font à nouveau appel à de la main d’œuvre étrangère. L’obtention du permis de travail, en plus du permis de séjour, est dès lors indispensable pour les étrangers qui veulent travailler en Belgique. Ce contrôle des autorités doit permettre d’engager de la main d’œuvre sans concurrencer les travailleurs belges.

Dans l’entre-deux guerres, la Belgique voit arriver nombre de réfugiés juifs qui fuient le climat antisémite allemand. Certains trouvent refuge en Belgique, d’autres n’y sont que de passage en attendant de rejoindre un autre pays ou d’embarquer pour l’Outre-Atlantique. Parmi les réfugiés qui rejoignent la Belgique, on compte aussi des italiens qui fuient le régime fasciste de Mussolini.

La deuxième guerre mondiale

L’invasion allemande, la campagne des 18 jours, puis la capitulation de la Belgique chasse un grand nombre de belges vers la France et la Grande Bretagne, néanmoins la majorité d’entre eux reviendra en Belgique en été 1940 après la capitulation de la France.

Dans l’après-guerre, la Belgique doit reconstruire son économie, notamment dans le secteur minier : la production de charbon a diminué de moitié par-rapport à la production d’avant-guerre, cette forte baisse a de graves conséquences sur l’économie du pays. La pénurie de charbon est d’autant plus grave qu’à cette époque il est la première source d’énergie. Le recrutement de main d’œuvre nationale est difficile dans ce secteur, nombre d’hommes sont morts à la guerre et les belges ne veulent plus travailler dans les charbonnages, le travail y est trop dur et les installations vétustes des sites engendrent souvent des accidents. Pourtant les charbonnages sont un enjeu crucial dans l’économie belge, il faut trouver des solutions, c’est le commencement de La Bataille du charbon ! Les premiers à être mis au travail sont les prisonniers de guerre, ils travailleront dans les charbonnages jusqu’à 1947. En 1946, le premier Ministre belge Van Acker, dans son « plan charbon », mettra également au travail les inciviques* avec l’ouverture de centres miniers pénitentiaires.

En 1946, la Belgique prend la décision de renouer avec les politiques migratoires d’avant-guerre. L’Etat met alors en place une politique d’immigration en signant des accords bilatéraux* avec des pays « exportateurs » de main d’œuvre. Cependant, l’application de cette politique est surtout définie par les employeurs, ce qui conduira à des dérives, par exemple, le non-respect de règles portant sur les salaires, les logements des travailleurs étrangers, etc.

Le premier accord est signé avec l’Italie  en 1946 : 50.000 travailleurs italiens doivent être envoyés dans les mines belges, en échange, l’Italie reçoit 200kg de charbon par mineur et par jour. Ce charbon est nécessaire pour relancer l’économie italienne. Le nombre d’immigrés italiens prévu initialement est rapidement dépassé malgré les conditions de vie et de travail très difficiles. À cette époque, l’Italie est frappée par la misère, le taux de chômage y est très élevé et les tensions politiques sont encore très présentes. En Belgique on leur promet un logement et une alimentation convenables, des droits et des salaires identiques à ceux des belges et des allocations familiales pour les enfants quand ils vivent en Belgique. Pourtant les immigrants font le voyage en train accompagnés de gendarmes et puis, une fois sur place, la désillusion ne se fait pas attendre, les conditions de travail sont rudes, les installations souvent vétustes et pour ceux qui désireraient rompre leur contrat, c’est l’arrestation et le renvoi en Italie. Il se fait que la Belgique fait face à une crise du logement : les logements individuels sont rares dans l’après-guerre et la reconstruction des bâtiments prend du temps. Le gouvernement n’est pas en mesure d’installer dans de bonnes conditions tous les travailleurs italiens qui arrivent.  Ils sont alors d’abord logés dans d’anciens camps de prisonniers construits pendant la guerre par les allemands et destinés à accueillir les prisonniers russes qui travaillaient à la mine. Si cette solution est censée être provisoire, les travailleurs occuperont tout de même ces camps jusque dans les années 50. À partir des années 50, les travailleurs sont logés dans des phalanstères, ce sont des structures d’habitations dans lesquelles sont regroupés les travailleurs. Par ailleurs, les charbonnages n’ont pas assez été entretenus pendant la guerre, les structures sont vétustes et les accidents y sont fréquents, l’Italie suspendra plusieurs fois son émigration vers la Belgique. En 1956 après la Catastrophe de Marcinelle  dans le charbonnage du Bois du Cazier, l’Italie suspend définitivement l’émigration vers la Belgique. La Belgique se tourne alors vers d’autres bassins d’emploi, de nouvelles conventions bilatérales sont conclues avec l’Espagne (1956) et la Grèce (1957).

Dans le contexte de Guerre Froide qui suit la deuxième guerre mondiale, la Belgique est aussi une terre d’accueil pour les réfugiés du bloc de l’est, ainsi un certain nombre de réfugiés ukrainiens, hongrois et d’Allemagne de l’est seront engagés dans les mines belges. Ici le geste politique se double d’une dimension économique. À noter, en 1956 et 1957, l’arrivée en Belgique de réfugiés hongrois qui fuient le climat politique de leur pays après l’insurrection de Budapest.

Les Golden Sixties

Les années 60, en Belgique, se caractérisent par une croissance économique forte et un besoin de main d’œuvre accru. La demande de main d’œuvre est tellement forte que les législations concernant l’immigration ne sont plus respectées à la lettre, on tolère une certaine immigration clandestine, c’est-à-dire des immigrants qui arrivent avec un visa touristique puis se régularisent une fois qu’ils ont trouvé du travail sur le territoire. Les immigrants viennent en majorité de pays plus lointains (Maroc et Turquie principalement) que dans l’après-guerre immédiat. Suite à la crise européenne du charbon en 1958 (les stocks ne s’écoulent plus, les coûts de production augmentent) et au tarissement progressif des mines belges, celles-ci s’engagent dans leur période de déclin pour finalement disparaitre dans les années 90 (la dernière mine belge ferme en 1992). Donc, dans les années 60 déjà, les charbonnages ne sont plus à l’avant de la scène et de nouveaux secteurs d’activités s’ouvrent aux travailleurs immigrés principalement dans l’industrie lourde (métallurgie, construction, etc).  La diversification des secteurs d’activité ouverts aux travailleurs étrangers a pour conséquence qu’ils sont mieux répartis sur le territoire, ils ne vivent plus uniquement dans les communes industrielles, mais aussi dans les villes, notamment à Bruxelles, à Anvers et à Gand. Ces travailleurs se regroupent dans les quartiers où les loyers sont assez bas, c’est ainsi que se forment des quartiers espagnols, portugais, grecs, etc.

Parallèlement, la population belge tend à décroitre, elle est vieillissante, particulièrement en Wallonie. L’Etat belge met en place une politique d’immigration qui favorise le regroupement familial via des mesures qui facilitent la venue des familles des travailleurs immigrés. Par exemple, en 1965, le voyage pour la Belgique est à moitié remboursé pour les épouses qui viennent accompagnées d’au moins 3 enfants mineurs d’âge. Une campagne de communication qu’on peut qualifier de propagande a également été mise en place pour motiver les travailleurs étrangers à venir s’installer durablement en Belgique avec leur famille, cette campagne s’appuie, par exemple, sur des brochures comme « Vivre et travailler en Belgique ». Par le regroupement familial, l’Etat belge espère relancer l’économie en rétablissant le dynamisme démographique et en fixant la main d’œuvre en Belgique : si les salaires sont plus élevés en Lorraine et dans la Ruhr, la Belgique est le seul pays européen à réellement valoriser le regroupement familial qui doit apporter un regain d’attractivité aux yeux des immigrants. Le regroupement familial a pour conséquence l’arrivée d’un nombre de femme plus important qu’auparavant, elles travaillent généralement dans des secteurs industriels et de services : dans l’industrie de l’armement en région liégeoise, pour des services de nettoyage, d’aide aux personnes, etc.

Si l’intégration des immigrés adultes se fait souvent par le biais de leur travail, l’intégration des enfants est souvent le fait de l’école, à ce niveau, la difficulté principale, aussi bien pour les professeurs que pour les élèves est l’apprentissage de la langue locale. Si l’école peut très bien jouer le rôle d’ascenseur social, elle peut aussi être un facteur d’exclusion (accumulation des retards, etc). Les années 60 voient naitre un début de politique d’intégration : quelques responsables politiques wallons s’intéressent au problème. Au niveau des actions dans le monde associatif, les Semaines de l’immigré voient le jour et auront lieu chaque année à partir de 1968 et jusqu’en 1975, cet événement consiste en des échanges culturels, du folklore, etc.

Gros plan sur les vagues d’immigration en Belgique dans les années 60 :

  • L’Espagne : la plupart des migrants espagnols arrivés en Belgique sont motivés par leur opposition au régime franquiste. À noter, que par choix politique, l’Etat franquiste accepte l’émigration espagnole.
  • La Grèce vit des années difficiles, la situation économique après la deuxième guerre mondiale n’est pas réjouissante et la guerre civile de 1949 et le régime dictatorial des « Colonels » renforcent le sentiment d’insécurité général. Dans ce contexte, un accord belgo-hellénique qui précise les conditions de l’immigration ouvrière grecque en Belgique est signé en 1957.
  • Au Portugal, l’économie stagne, le système est caractérisé par un fonctionnement agraire archaïque pour l’époque. À ce facteur économique, s’ajoutent des causes sociales et politiques : le régime militaire dictatorial, le Salazarisme, qui mène à des guerres coloniales en Angola et dans le Mozambique. Parallèlement, l’Europe continentale offre des possibilités d’emploi et un niveau de vie largement supérieur à celui vécu au Portugal.
  • Le Maroc a une forte volonté d’envoyer des travailleurs en Europe, son but est de résorber le chômage, de rapporter de l’argent et de former une main d’œuvre qui ne l’es pas forcément.
  • Dans la fin des années 50, la Turquie fait face à une crise socio-économique, sa population est de plus en plus pauvre. Cet appauvrissement a mené en 1960 à un coup d’Etat militaire. La Turquie organise alors sa politique d’émigration avec l’Office du Travail et du Recrutement des Travailleurs (OTRT). L’émigration doit résorber le chômage et apporter des ressources et de l’argent dans le pays.
  • Au contraire de certaines autres puissances coloniales, la Belgique n’est pas favorable à l’immigration congolaise. Le Congo est faiblement peuplé et on ne veut pas que les entreprises congolaises et coloniales manque de main d’œuvre. En 1960, quand le Congo prend son indépendance, il y a une légère augmentation de l’immigration, celle-ci s’intensifiera encore un après 1965. En général, les immigrants congolais sont motivés par la volonté de trouver une meilleure situation économique.

À la fin des années 60, on entre dans une période de récession économique en Belgique, le chômage augmente et le gouvernement veut mettre fin à l’immigration clandestine, désormais toutes les autorisations devront être obtenues pour pouvoir travailler légalement en Belgique. Le nombre de permis de travail accordés diminue fortement. En 1969, le ministre du travail propose d’expulser des travailleurs étrangers du chômage, cette proposition suscitera de vives réactions au sein des syndicats, au nom de l’égalité entre les travailleurs belges et immigrés.

Parallèlement, avec la signature du Traité de Rome, une distinction de droit se fait entre les migrants qui viennent des états membres et ceux qui viennent de pays tiers. À partir de 1968, les ressortissants de l’Union européenne peuvent accéder à d’autres états membres pour un séjour touristique sur simple présentation de leur passeport et ils ont la possibilité de travailler légalement sans permis de travail (sauf pour les emplois publics).

On passe donc d’une période de forte demande de travailleurs étrangers et de laisser-passer migratoire, à une période de restrictions et de diminution de l’immigration à la fin des années 60.

De 1974 aux années 90.

Suite à la première grande crise pétrolière de 1974, le chômage est à la hausse et des difficultés économiques surviennent dans les secteurs d’activités qui emploient la main d’œuvre immigrée (sidérurgie, mines, chantiers navals, construction, textile, etc), nombre d’entre elles ferment leurs portes, les travailleurs immigrés qui y travaillaient se retrouvent alors au chômage. Dès lors, leur présence est contestée, la violence et les tensions s’accroissent entre belges et immigrés, particulièrement dans certains quartiers de Bruxelles et surtout vis-à-vis des marocains et des turcs qui sont présents depuis moins longtemps. La contestation est moins forte vis-à-vis des ressortissants de l’UE qui sont plutôt considérés comme participant à un projet commun. Face à cette situation, l’Etat prend des mesures et déclare la fin de l’immigration de travail, désormais, les employeurs qui feront appel à de la nouvelle main d’œuvre étrangère risquent des sanctions. Le permis de travail n’est plus accordé qu’à des travailleurs qui ont des compétences qui ne sont pas disponibles en Belgique (diplômés du supérieur, sportifs de haut niveau, etc), cette mesure s’accompagne de la régularisation des étrangers clandestins, ainsi en 1975, 9000 étrangers obtiendront un titre de séjour en Belgique. Cette dernière mesure a été prise grâce à la pression des syndicats et de plusieurs actions de grèves (occupation d’une église, grève, expulsion de grévistes, etc). Malgré toutes ces mesures l’immigration ne faiblit pas en Belgique particulièrement venant du Maroc et de Turquie, ceci s’explique en partie par la fermeture des frontières qui a accéléré le processus de regroupement familial mis en place précédemment, et ce particulièrement pour les derniers arrivés : les marocains et les turcs.

On constate aussi l’arrivée de réfugiés chiliens suite à la chute du régime de Pinochet (1974), et de réfugiés vietnamiens (1979) qui fuient le Vietnam communiste et la courte guerre sino-vietnamienne. Ces réfugiés vietnamiens fuyaient leur pays sur des embarcations de fortune (les Boat people).

Entre 1974 et 1991, tous les pays européens veulent limiter l’immigration et fermer leurs frontières.

Dans les années 80, l’accroissement du chômage et la crise économique se poursuivent. Les discours politiques se durcissent, particulièrement dans l’extrême droite, et le droit d’asile qui était jusqu’alors considéré comme une nécessité humanitaire, est désormais vu comme une immigration économique déguisée. Le texte de la convention de Genève portant sur le droit d’asile est interprété de façon plus restrictive par les pays européens. En Belgique, la loi sur l’accès au territoire, le séjour l’établissement et l’éloignement des étrangers restreint le nombre de permis de séjour octroyé, mais offre une meilleure sécurité de séjour et permet aux demandeurs d’asile d’introduire des recours devant les tribunaux s’ils veulent contester les éventuelles décisions prises envers leur liberté de séjour. Cette loi marque véritablement la fin d’une politique migratoire ouverte et elle subira de nombreuses modifications. Ce durcissement du discours politique se traduit par des politiques publiques qui visent à décourager les migrants, par exemple : les bourgmestres ont le droit de refuser l’inscription de nouveaux étrangers dans leur commune.

Malgré tout, dans les années 80 le nombre de demandes d’asile augmente. Le fait est qu’introduire une demande d’asile est désormais le seul moyen d’entrer en Belgique, les réfugiés n’ont plus la possibilité de trouver du travail et d’obtenir un titre de séjour par la suite, et les simples immigrants sont eux aussi obligés de passer par la demande d’asile puisque l’immigration de travail n’existe plus. En réaction à cette augmentation l’octroi des titres de séjour et les conditions d’accès à ceux-ci deviennent plus rigides.

En 1981 est votée une loi contre le racisme, mais les années qui suivent sont marquées par une forte progression de l’extrême droite flamande en réaction à l’accroissement de l’immigration. Les tensions et la discrimination subies par les immigrés sont importantes. Le gouvernement prend alors la décision de créer le Commissariat Royal à la politique des immigrés (1983). Des politiques d’intégration sociale (lutte contre la délinquance, culture, enseignement, insertion professionnelle, etc) sont également mises en place. En 1993, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme remplace le Commissariat royal.

À partir 1984, un enfant né sur le sol belge obtient la nationalité belge, c’est le droit du sol (jus soli). Dans ces année-là, la naturalisation est également simplifiée, même si elle est toujours accompagnée d’un questionnaire qui teste la volonté d’intégration des prétendants à la nationalité belge. Aujourd’hui, ce questionnaire n’existe plus et depuis 1984, l’acquisition de la nationalité belge a encore été simplifiée.

En 1985, tous les pays membres de l’Union Européenne (à l’exception du Royaume Uni et de l’Irlande) signent la Convention de Schengen , elle s’accompagnera les années suivantes, de directives européennes concernant, par exemple, l’accès au territoire, l’asile, etc. Ainsi les compétences en relation avec l’immigration ne sont plus uniquement le chef des pouvoirs nationaux.

Au début des années 90, suite à la chute du bloc communiste, à la guerre dans l’ex-Yougoslavie et à d’autres conflits en Afrique (RDC) et dans le monde, le nombre de demandes d’asile augmente fortement. Des réformes surviennent en ce qui concerne la prise en charge des dossiers et des demandeurs d’asile : la possibilité de recours instaurée dans les années 80 est restreinte, les conditions de détention en centre fermé* sont définies (ces conditions seront élargies dans les années 2000), l’expulsion est fortement renforcée, etc.

La main d’œuvre immigrée illégale est de plus en plus employée à cette époque dans la restauration, l’horticulture, la construction, etc. Ces « sans-papiers » sont généralement des demandeurs d’asile dont le dossier n’a pas été accepté, des personnes arrivées clandestinement ou avec un visa touristique, ou d’anciens étudiants.

La Belgique est un pays développé, riche qui attire les immigrants et les réfugiés, le regroupement familial joue encore un rôle important dans cette immigration croissante. Ainsi en 1999, la Belgique a enregistré approximativement 30 000 demandes d’asile supplémentaires par rapport à 1990, arrivant à un total de 43 000 demandeurs d’asile. Seuls 10% de ces demandeurs d’asile obtiendront un titre de séjour.

Malgré toutes les politiques restrictives qui marquent la fin du siècle, l’immigration est toujours en hausse en Belgique. Finalement les personnes qui veulent réellement entrer dans un pays le font, indépendamment des difficultés qui seront mises en travers de leur route, quitte pour cela à travailler illégalement, à s’installer dans une situation précaire. L’augmentation du nombre de clandestins est une conséquence directe de ces politiques restrictives qui n’ont toujours pas fait leurs preuves. En outre, la relation indigène-immigré pensée comme une relation de conflit culturel ne tient pas debout, les états ne sont pas des entités culturelles uniformes, mais fluctuent selon les populations qui s’y installent. L’intégration doit pouvoir se faire sans que les personnes aient à renoncer à leur identité culturelle. Finalement, en Belgique, les nouveaux belges peuvent bien trouver une place entre francophones et néerlandophones !

* Les inciviques sont les belges qui ont collaboré avec les autorités allemandes durant la 2ème guerre mondiale, soit par réelle conviction idéologique, soit par opportunisme)

* « Une convention bilatérale est un contrat signé entre deux États et dans lequel sont repris les fruits d’une négociation sur divers objets. Les conventions bilatérales des migrations portent par exemple sur la durée après laquelle un travailleur peut faire venir son épouse s’il est marié, le nombre de migrants accepté par an, les modalités de recrutement de la main-d’œuvre » (http://germe.ulb.ac.be/uploads/pdf/infos%20livres/BreveHistImmBelg2012.pdf )

* Les centres fermés sont créés en 1993 par le gouvernement belge, ils entrent dans la procédure de rapatriement des réfugiés dont la demande d’asile n’a pas été acceptée, mais qui refusent de rentrer dans leur pays par eux-mêmes.

Sources 

http://germe.ulb.ac.be/uploads/pdf/infos%20livres/BreveHistImmBelg2012.pdf

http://www.espace-citoyen.be/article/839-histoire-de-l-immigration-en-belgique/

http://www.vivreenbelgique.be/11-vivre-ensemble/histoire-de-l-immigration-en-belgique-au-regard-des-politiques-menees

http://www.lalibre.be/culture/arts/anvers-la-red-star-la-voie-de-l-amerique-523bdf303570bed7db9a116f

http://statbel.fgov.be/fr/binaries/1678_fr%20La%20Belgique,%20terre%20d%E2%80%99immigration.%20Statistiques%20et%20%C3%A9volutions_tcm326-179500.pdf

http://www.belspo.be/belspo/organisation/publ/pub_ostc/agora/ragee058_fr.pdf

http://www.charleroi-decouverte.be/index.php?id=384

http://minedhistoires.org/2012/09/28/il-y-a-20-ans-fermait-la-derniere-mine-belge/

http://books.openedition.org/psorbonne/695

Jeanne Delmotte