La brochure belge Vivre et travailler en Belgique est diffusée en 1963 au Maroc, en Tunisie et en Algérie par le ministère de l’emploi et du travail. Cette brochure a pour but de motiver les travailleurs étrangers à s’installer durablement en Belgique. Elle met l’accent sur le confort, l’emploi et la vie familiale.
Les Golden Sixties* se caractérisent par une forte croissance économique et une politique migratoire très ouverte. La main d’œuvre manque dans certains secteurs d’activité délaissés par les belges (charbonnage, carrière, textile, bâtiment). Les brochures de propagande comme Vivre et travailler en Belgique ne sont pas rares et visent particulièrement le bassin méditerranéen. À titre d’exemple, la Fédération Charbonnière Belge (Fédéchar) et l’Office turc de l’emploi s’associeront en 1963 pour organiser le recrutement des ouvriers turcs et lancer une campagne de propagande à cet égard.
À cette époque, la politique d’immigration belge encourage le regroupement familial qui doit donner envie aux travailleurs étrangers de rester en Belgique : les salaires sont plus intéressants dans d’autres pays européens, mais la Belgique est la seule à favoriser réellement le regroupement familial. De plus, la population belge (particulièrement en Wallonie) connait une phase de déclin et de vieillissement, l’immigration doit redynamiser la démographie en Belgique.
La brochure Vivre et travailler en Belgique met en avant plusieurs points pour attirer les travailleurs étrangers, entre autres : les salaires élevés, la qualité et le confort de vie, l’intégration rapide, le système d’allocations familiales et de sécurité sociale, la vie de famille, la garantie de la liberté religieuse (à noter que le culte islamique n’est pas encore reconnu en Belgique). La brochure est écrite dans l’idée d’un établissement durable des travailleurs et de leur famille en Belgique.
Extraits : TRAVAILLEURS, Soyez les bienvenus en Belgique
Vous songez à venir travailler en Belgique? Vous avez peut-être déjà pris « la grande décision »? Nous, Belges sommes heureux que vous veniez apporter à notre pays le concours de vos forces et de votre intelligence. Pour y parvenir, voici ce que nous vous proposons: nous essayerons dans cette petite brochure de vous informer des conditions de vie et de travail qui vous attendent en Belgique.
Emigrer dans un pays qui nécessairement est différent du vôtre, pose quelques problèmes d’adaptation. Ces difficultés initiales seront beaucoup plus facilement surmontées si vous menez une vie normale; c’est-à-dire une vie familiale.
La Belgique est un pays où le travail est bien rémunéré, où le confort est élevé, surtout pour ceux qui vivent en famille.
Vous trouverez dans notre pays un esprit international. Du reste 258 organisations ont leur siège principal en Belgique et beaucoup d’hommes politiques, de techniciens, d’hommes d’affaires et d’étudiants d’autres pays vivent sur notre sol.
Il y a déjà des travailleurs de votre pays chez nous. Venez les rejoindre, si vous croyez que votre situation peut s’y améliorer. Mais pour le savoir, lisez attentivement les pages qui suivent. De toute façon, nous vous le répétons: les travailleurs méditerranéens sont les bienvenus parmi nous, en Belgique.Aux Belges, l’on reconnaît comme qualités le bon sens, le courage, l’acharnement au travail, l’esprit de famille, le souci de l’indépendance; ils sont hospitaliers, en vertu de leur besoin inné de rendre service et accueillants pour les étrangers.
Le goût du confort, dû à un niveau de vie relativement élevé, se manifeste dans les maisons, l’intérieur, d’une propreté proverbiale, est très souvent doté de ce qui peut rendre votre vie plus agréable (radio, T.V., etc. …) et plus commode grâce aux appareils ménagers (lessiveuses, etc…).
Si vous avez des enfants, vous devez savoir que des consultations pour nourrissons et enfants en bas âge sont organisées dans chaque commune importante, qu’il existe des services d’infirmières visiteuses, des dispensaires, des séances de vaccinations poliomyélitiques, antivarioliques, etc. …, que des examens médicaux ont lieu dans les écoles et que d’autres ont pour but la détection des maladies professionnelles. Toutes ces présentations sont gratuites.
Cependant, dès que la chose est possible et quand il s’est trouvé un logement décent, le travailleur marié fait venir sa famille en Belgique: séparé trop longtemps des vôtres, vous connaîtriez les effets néfastes de l’ennui et de la solitude. Vous êtes autorisé à vous faire rejoindre par votre famille après un mois.
Nous vous conseillons d’emporter en Belgique tout ce que vous avez comme vêtements et particulièrement les sous-vêtements, les vêtements chauds (chandails, manteaux) et les imperméables.
Pour les enfants, emmenez leurs trousseaux, layettes et même les vêtements devenus trop petits. Vous vous en féliciterez s’il y a une nouvelle naissance dans votre foyer.N’oubliez pas d’emmener également la literie (draps et couvertures).
Si vous possédez quelques objets utiles mais peu encombrants, tels que poste de radio à transistors, n’hésitez pas à les prendre avec vous.
Malheureusement, la réalité n’est pas aussi parfaite ; souvent les travailleurs et en particulier les premiers arrivants au début des années 60, se plaignent des conditions de travail difficiles, du manque de confort des logements, de la mauvaise qualité de la nourriture. Notons que souvent, l’entreprise fournit le logement et la nourriture à ses travailleurs moyennant un prélèvement sur leur salaire, dès lors de nombreux ouvriers dont le but est d’économiser un maximum, quittent ce système et emménagent, parfois en colocation, dans des logements privés souvent insalubres. On n’est loin de l’intégration sociale et culturelle promise dans la brochure, en réalité ces matières ne sont même pas encore la cible de politiques actives, l’opinion publique est inquiète de la présence grandissante de ces travailleurs de culture et de religion différentes et les interprètes sont rares dans les usines, aucun réel apprentissage de la langue locale n’est mis en place. Notons encore qu’aucune pièce n’est prévue pour la pratique du culte musulman dans les logements et les entreprises, des aménagements se feront tardivement.
Nuançons un peu le propos, s’il est vrai que certaines entreprises proposent des logements insalubres et des conditions de vie précaires (les charbonnages de Limburg-Maas, par exemple), d’autres, déploient de plus grands efforts à ce sujet comme le charbonnage de Zwartberg à Genk qui propose à ses ouvriers des services tels qu’un restaurant, un bar, des cuisines personnelles, des salles de cours. En règle générale et à force de demandes et de revendications de la part des ouvriers, les entreprises investissent pour améliorer le confort et la qualité de vie, aussi bien par l’aménagement de lieux voués à la pratique du culte musulman que par l’achat de journaux dans la langue de leurs ouvriers.
*Pour plus de détails sur le contexte historique des années 60 en Belgique, voir historique de l’immigration en Belgique
Sources pour le document d’archive : http://www.sjpa.be/realisations/approche/argument2.htm
http://www.sjpa.be/realisations/immigration/bienvenus.htm
http://stadslab2050.be/50jaarmigratie/artikel/achtergrond-vivre-et-travailler-en-belgique
http://germe.ulb.ac.be/uploads/pdf/infos%20livres/BreveHistImmBelg2012.pdf
http://www.cegesoma.be/docs/media/chtp_beg/chtp_17/chtp17_004_Khoojinian.pdf
http://www.carhop.be/images/Immigration_marocaine_F.LORIAUX-2005.pdf
Photo couvertures de la brochure en français, néerlandais : http://archive.indymedia.be/news/2004/02/80851.html
La Belgique, terre d'accueil une fois ! 